Etat de l’art et contributions de l’équipe

Alors que la plupart des modèles de conception de CL considère une demande exogène, l’intégration d’une demande endogène a été considérée dans certains modèles analytiques en gestion d’opérations. Bien que le contexte de ces travaux soit différent de la conception de CL, il est important d’examiner ce type de littérature d’un point de vue modélisation endogène de la demande. Dans le recensement de Huang et al. (2013), les auteurs ont principalement trouvé des travaux où la demande est sensible au prix (beaucoup des travaux en économie s’intéressent à cette question), aux remises offertes, au délai, aux lieux d’activité, à la qualité des produits, et à la publicité. La plupart de ces travaux considère des problèmes de marketing, de pricing, de conception de produit, et de gestion de stock. Bien que leur étude concerne tous les modèles de décision (non seulement ceux relatifs à la conception de CL), Huang et al. (2013) concluent qu’un grand nombre de publications appartient à la catégorie de demande dépendante du prix et de la qualité mais aucun modèle où la demande est sensible à la performance environnementale n’a été cité dans ce papier.

Modèles d’optimisation avec une demande sensible à la performance environnementale

La prise en compte d’une demande sensible à la performance environnementale a fait l’objet d’un nombre très limité de travaux qui, pour la plupart, adressent des problèmes de gestion de stock (Hovelaque and Bironneau, 2015, Glock et al., 2012) et de planification de production (Nouira et al., 2014, Letmathe and Balakrishnan, 2005). A notre connaissance, un seul papier considère une demande sensible à la performance environnementale dans le contexte de conception de la CL (Altmann, 2014).

En planification de production, Letmathe and Balakrishnan (2005) ont adressé la décision de sélection de technologies de production. Différentes technologies potentielles avec différents niveaux d’émissions pouvaient être utilisées. L’objectif du modèle était de maximiser le bénéfice total en présence de règlementations environnementales, la demande étant supposée être une fonction décroissante (linéairement) des niveaux d’émissions.

En gestion de stock, Glock et al. (2012) ont considéré le problème d’un fournisseur qui vend un composant à un fabricant qui le transforme en un produit final dont la demande est sensible au prix et à la qualité. L’impact environnemental est traité comme un attribut de qualité et il est mesuré en termes de niveaux de déchets et d’émissions générés. Les auteurs ont exploré l’impact du comportement coopératif et non coopératif entre le fournisseur et le fabricant. Hovelaque and Bironneau (2015) ont revisité le modèle classique de stock EOQ avec prise en compte d’une demande qui dépend des émissions carbone et du prix. L’objectif était de trouver la quantité optimale de commande pour maximiser le profit.

Un papier plus proche de notre contexte est celui d’Altmann (2014). Motivé par un cas réel d’une société allemande, l’auteur a proposé un modèle de conception de CL en tenant compte de la sensibilité de la demande aux émissions carbone. L’auteur a considéré une fonction de demande par paliers où la demande dans chaque palier est une constante dont la valeur dépend du niveau total des émissions carbone dans la CL. Le modèle intègre de nombreuses décisions logistiques et financières telles que l’ouverture/fermeture des installations, l’utilisation des ressources, la sélection des fournisseurs, et la détermination des flux de trésorerie.

Commentaires généraux sur la littérature et contributions de notre équipe

Nous remarquons tout d’abord que la conception de CL avec une demande endogène a été très rarement étudiée. L’article d’Altmann (2014) constitue une rare exception. Bien qu’intéressant, ce papier ne présente qu’une étape préliminaire puisque, d’une part, il se limite aux émissions carbone sans examiner les autres impacts environnementaux et, d’autre part, il considère une fonction simpliste de la demande. Enfin, il se contente de développer le modèle sans aborder les implications managériales, environnementales, et économiques qui en découlent. Il est aussi important de noter que, dans la littérature, la performance environnementale a été souvent mesurée à travers les émissions carbone. Aujourd’hui, il est nécessaire de développer des nouvelles métriques car les impacts d’une CL sur l’environnement ne se limitent pas aux émissions carbone.

Nos papiers Nouira et al. (2014, 2016) peuvent constituer une base de départ de notre projet. Dans Nouira et al. (2014), nous avons ont proposé 2 modèles pour la sélection des technologies de production et des matières premières. Dans un premier modèle, un seul produit est offert par l’entreprise et la demande pour ce produit dépend de sa performance environnementale. Celle-ci est mesurée en fonction des émissions générées par la fabrication et du taux des composants “verts” utilisés. Dans un deuxième modèle, le marché est segmenté entre des clients ordinaires et des clients “verts” et l’entreprise offre une variété différente du produit final à chaque segment. Dans ce cas, à la fois la demande et le prix dépendent de la performance environnementale du produit. Toutefois, ce papier présente une modélisation simple (linéaire) de la demande en fonction de la qualité environnementale et il faut certainement approfondir cette fonction de la demande.

Dans Nouira et al. (2016), nous nous sommes intéressés à la conception de CL (choix de localisation du site de production, choix de technologie de production, sélection des fournisseurs, et choix de moyens de transports entre les fournisseurs et le site de production et entre le site et le client) en y incluant une demande linéaire par partie sensible aux émissions carbone générées par les activités de production et de transport. Pour simplifier, nous avons tout d’abord considéré un seul site de production et un seul produit fini. Nous avons ensuite généralisé pour plusieurs sites de production en considérant des hypothèses simplificatrices quant à la volonté du client à accepter des variétés d’un même produit avec des performances environnementales différentes (car issus de sites de production différents). Malgré la simplicité de la structure de CL considérée, ce papier a permis d’illustrer numériquement les impacts que peut avoir une demande sensible à la performance environnementale sur les décisions de conception de CL.

En complément, les travaux publiés récemment par des membres de l’équipe projet sur la prise en compte de la dimension environnementale dans la conception des CL (Jaegler and Burlat, 2013) seront également utiles pour quantifier les bénéfices de la relocalisation sur l’empreinte carbone des activités de production et de distribution des entreprises industrielles.